Tour de France 2016, la journée d’un médecin d’équipe
Entrez dans les coulisses de l’équipe en suivant jjdok sur une journée du matin au soir pendant le Tour de France; je suis le médecin de l’équipe depuis 3 ans, après une expérience de 17 années dans le milieu, et il s’agit de mon 11ème Tour de France
Un préalable avant de détailler le contenu de ma journée: ce qui est à l’origine de ma passion pour la médecine du cyclisme sur le terrain, c’est la notion de travail en groupe: les assistants, les kinés, les directeurs sportifs, les mécanos: on travaille tous ensemble, chacun dans son domaine d’expertise et d’expérience; par exemple un problème de genou concerne le doc bien sûr, mais aussi l’assistant qui va masser le coureur, le kiné, et le mécano qui va observer si rien n’a bougé sur le vélo: matos, position, chaussures, cales, semelles; on bosse ensemble, sans notion de hiérarchie.
Mon téléphone me réveille à 5h45 ; je traite mes mails urgents, je vais déjeuner vers 6h30-7h, j’attends les autres membres du staff sportif pour échanger, partager avec eux mon ressenti sur les coureurs, échanger des informations sur d’éventuels problèmes médicaux, dans le respect bien sûr du secret médical.
Dès leur réveil et avant de se rendre au petit déjeuner les coureurs passent dans ma chambre pour se peser, j’en profite pour vérifier de temps en temps le % de masse grasse (pince à plis cutanés) ; je considère que la surveillance du poids et de la masse grasse sur un grand Tour est un élément important mais il ne faut pas entretenir une fixation sur ces paramètres ; bien plus importante est la notion des sensations que le coureur recueille ; le coureur pro se connaît, il sait s’il est trop sec ou s’il doit être plus vigilant sur sa nutrition ; et d’un jour à l’autre, en fonction des échanges d’eau et de minéraux le poids comme la masse grasse peuvent varier.
Il est assez fréquent qu’il y ait un contrôle sanguin et/ou urinaire diligenté par une Instance de contrôle, nationale ou internationale ; je reste présent pendant ce contrôle.
Les coureurs vont déjeuner.
Entre la fin du petit déjeuner et le départ de l’hôtel je dispose en général d’une bonne heure pour faire le tour des chambres, faire le point sur les éventuels problèmes médicaux.
On quitte l’hôtel, le bus se rend sur les lieux du départ où on arrive une heure et demi avant le départ ; je suis avec les coureurs dans le bus, disponible jusqu’au départ, ce qui ne m’empêche pas d’aller faire un tour vite fait au « village départ » où je prends plaisir à échanger avec des confrères d’autres équipes, ou les médecins de la société du Tour, ou .
Dès le départ donné le bus se rend à l’arrivée, avec un trajet de 2 à 4-5 heures en général ; je suis dans le bus, je gère mes mails, mes dossiers ; ce qui n’exclue pas une petite sieste !
Pendant la course je suis en contact avec le staff sportif qui est dans les voitures de course ; surtout en cas de chute …
Sur les lieux de l’arrivée il reste 1 à 3 heures avant le final.
Dès l’arrivée les coureurs font du home trainer pendant 15 minutes ; s’il a fait très chaud sur l’étape je leur distribue des gilets réfrigérants (5 poches de glace : sur le thorax dans le dos, sur la poitrine, et sur la nuque)
Puis ils prennent la douche.
Puis …. si besoin je fais les pansements … A propos de chutes sur le Tour de France, la Société du Tour met à disposition après la ligne d’arrivée un camion médicalisé qui permet de réaliser des radios, échos, et … des sutures; ce qui évite au médecin d’équipe de se rendre avec son coureur aux urgences d’un hôpital et d’y rester une partie de la soirée voire de la nuit; vraiment bien.
Les 5 coureurs qui sont massés en N°1 se rendent à l’hôtel en voiture (pour gagner du temps) ; les 4 coureurs massés en N°2 restent dans le bus ; pendant le transfert à l’hôtel je gère un entretien médical, des soins éventuels, et je mets en place une cryothérapie au niveau des jambes : des bottes dans lesquelles circulent de l’eau à 1 degré, associé à une pressothérapie alternative. La récupération nutritionnelle est assurée : boissons de récupération, collation (pâtes ou riz ou pommes de terre ou semoule de maïs)
Arrivé à l’hôtel j’attends la fin du massage des 5 coureurs qui sont rentrés en voiture pour un tour des chambres et la cryothérapie ; je ne passe jamais dans les chambres pendant le massage, je considère qu’il s’agit d’un moment privilégié que passe le coureur avec son masseur, pendant une heure: un espace de repos privilégié, que je ne dois pas interrompre.
Sur le Tour 2 kinésithérapeutes sont présentes, dont une ostéopathe, pour des soins adaptés si besoin.
Je partage ensuite le dîner avec les coureurs, mais je ne mange pas à leur table ; c’est un moment convivial qu’ils partagent, avec des discussions qui ne me concernent pas. Ce repas est le moment de la journée pendant lequel ils peuvent échanger, souvent l’ambiance est à la franche rigolade et c’est très bien.
Je remonte dans ma chambre, en même temps que les coureurs ; éventuellement je fais un tour des chambres, pour les coureurs dont l’état de santé justifie un dernier point : pansements, tendinopathie, infection ORL, etc.
Puis je reste dans ma chambre, les coureurs savent que ma chambre reste ouverte, dans la soirée et la nuit ; s’ils ont le moindre problème, ou si simplement ils veulent discuter, ils savent que la porte est ouverte.
Pour ma part j’attends d’être certain que tous les coureurs sont endormis avant de me coucher, après avoir pris connaissance des mails de la soirée ; car je reste en contact avec les coureurs de l’équipe qui ne sont pas sur le Tour, et en contact avec ma patientèle.
Voilà, c’était la journée du doc ! Je suis conscient que je vis une expérience enrichissante, au contact avec le terrain, au contact avec les joies et les coups de moins bien des coursiers : on partage leurs émotions, en gardant toutefois de la distance ; en particulier pas question pour moi de me laisser imprégner par le stress de la course, les « flonflons » et l’ambiance du Tour, je suis là pour faire un job, avec des coureurs à qui j’offre une écoute et un suivi médicosportif.
Egalement vous trouverez sur ce site des séances de sophrologie à télécharger, pour le travail du mental du sportif, en particulier du cycliste.
Jean-Jacques Menuet