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Chronique N°19 Tour de France 2018 jjdok médecin référent équipe « Fortunéo-Samsic » : mon « vieux » regard sur l’évolution du cyclisme, 20 ans après: “avant et aujourd’hui”
Pendant les 3 semaines de course sur ce Tour de France 2018 je rédige chaque jour une chronique médicale, avec des thèmes variés mais qui concernent le terrain : la nutrition, les bobos du cycliste, le dopage, la santé, l’hygiène de vie, etc. Parfois le ton est caustique, mais c’est juste pour vous réveiller En quelque sorte je vous fais partager mon expérience, qui s’est construite au fil du temps grâce avant tout au coureur avec qui j’ai toujours engagé une relation de respect, d’écoute, pour un travail interactif ; une relation médicale est, comme toute relation, le résultat d’une rencontre où chacun vient vers l’autre. C’est le coureur qui m’a appris l’essentiel de mon job.
Chroniques précédentes :
- Chronique N°1 : le petit déjeuner
- Chronique N°2 : la boisson d’attente
- Chronique N°3 : ce que mangent et ce que boivent les coureurs pendant une étape du Tour
- Chronique N°4 : Ventoline et cyclisme : = dopage ?
- Chronique N°5 : le sommeil facteur ESSENTIEL pour la récupération
- Chronique N°6 : données chiffrées nutrition et physiologie du cyclisme
- Chronique N°7 : la collation après l’arrivée, pourquoi, comment ?
- Chronique N°8 : le dîner : objectifs, composition
- Chronique N°9 : la collation du soir : pourquoi ? Comment ?
- Chronique N°10 : la journée de repos, que font les coureurs, que fait le staff ?
- Chronique N°11 : les principales pathologies rencontrées dans le cyclisme
- Chronique N°12 : Cyclisme et dopage : posons une réflexion tranquille
- Chronique N°13 : la canicule sur le Tour de France : conséquences, conseils
- Chronique N°14 : la microsieste, pourquoi, comment
- Chronique N°15 : comment mieux récupérer après l’effort
- Chronique N°16 : cyclisme et ésotérisme font bon ménage …
- Chronique N°17 : comment booster son taux de testostérone !
- Chronique N°18 : des repères chiffrés pour la nutrition sur une étape
Donc aujourd’hui : mon regard sur l’évolution du sport cycliste
Avant et après, 20 ans après, quelle évolution ?
Un exercice difficile auquel je me livre, mais qui me semble intéressant : comment le cyclisme a-t-il évolué, si on étudie plusieurs facettes de ce sport à qui j’ai consacré et je consacre une grande partie de ma vie ; le ton que je vais employer est volontairement acide, juste pour aiguiser la réflexion ; à ma petite place sur le terrain, aux côtés du coureur que je respecte et que j’écoute, je garde toutefois une respect et une passions immenses, et l’envie de prolonger mon engagement dans le sport cycliste ; je vais lister quelques réflexions :
Le dopage :
- Avant: les années 99, j’arrive dans le milieu ; je découvre un sport dans lequel les victoires sont soumises à « question » ; l’environnement est trouble, tous les acteurs, toutes les instances connaissent les dérives ; certains sont acteurs, d’autres observateurs ; certains essayent de lutter tels des travailleurs sociaux dans les quartiers difficiles, d’autres non ; certaines équipes sont montrées du doigt et « payent », alors que le système est généralisé. A l’époque, la connaissance que j’ai des autres sports me fait affirmer que tous les sports étaient concernés. Rien n’est tout noir, rien n’est tout blanc, de nombreux sportifs sont propres, mais ils ont du mal à exprimer leur talent.
- Aujourd’hui: quelques performances m’interpellent; sur ce Tour je ne me fais pas d’illusions ; j’ai un regard critique sur la tentation franchouillarde de « flinguer » les vilains étrangers qui piquent les victoires aux « gentils » français ; en France on n’a jamais aimé les étrangers qui gagnent : cf. l’époque d’Eddy Merckx déjà …. Pourquoi le dopage ne concernerait que les étrangers ? En France on a le meilleur fromage, la meilleure baguette, le meilleur vin, le « french kiss », etc. etc., tout juste insupportable. J’affirme que des portes sont encore ouvertes pour l’accès au dopage, les « microdoses » de corticoïdes en particulier, je m’en suis déjà expliqué à plusieurs reprises, tout le monde s’en fiche … Mais les microdoses c’est le dopage des pauvres ; quid du très probable dopage génétique, quid des probables substances non encore détectables. TOUTEFOIS, très clairement l’ambiance a changé, le profil du coureur a changé, l’environnement du coureur a changé, les Instances mettent en place une stratégie volontariste et cadrée : les actions de l’UCI, AMA, FFC, MPCC sont tout à fait louables et doivent être encouragées. Mais certains coureurs se font encore « b….. g….. » par d’autres. Au final : une évolution manifestement favorable avec très certainement la majorité du peloton qui joue le jeu. Un sport de plus en plus contrôlé, avec des contrôles urinaires et sanguins sans concession. Les autres sports ? : je m’en fiche et je n’ai pas à distribuer des bons et des mauvais points : juste il ne faut pas rêver bêtement. Terminé pour ce chapitre sur le dopage ; je ne détiens aucune vérité, je n’ai pas la prétention de tout savoir, juste à ma place d’observateur en interne j’ai le droit de formuler un avis, autant que d’autres.
Le coureur :
- Avant: je ne veux pas passer pour un « vieux con », mais j’appréciais vraiment le profil vrai du coursier, capable avec les moyens du bord d’écouter ses sensations, de les interpréter, d’adapter.
- Aujourd’hui: la technologie a envahi l’environnement du coureur ; les capteurs de machin, les capteurs de truc. Le coureur se transforme en objet connecté ; pour le plus grand bonheur du business et des nombreux intervenants qui ont infiltré le milieu : préparateurs machin, préparateurs truc. Chaque intervenant veut exister. Un de mes combats : renvoyer le coureur à l’écoute de ses sensations, dans TOUS les aspects de son sport : physiologie, nutrition, mental (accepter d’être triste, accepter de perdre, comprendre comment il fonctionne, savoir lâcher prise, etc. etc.)
La com :
- Avant: le Directeur sportif était le seul intervenant.
- Aujourd’hui: la priorité va à la communication sur l’émotion ; montrer ce qu’on fait ; faire vibrer quelques centaines de followers ; les démarches de fond (l’entraînement, la nutrition, etc.) ça n’intéresse pas, ça ne fait pas vibrer ; ce qu’on fait vraiment importe peu, ce qu’il faut montrer c’est comment on le fait, montrer de l’émotion, de l’inside, du “pseudo vrai”. Mais bon, c’est aussi la demande du spectateur, c’est l’évolution de la société, c’est la dérive de la médiatisation du moindre pet de travers, la recherche du scoop, de l’image qui fait vibrer. Probablement faut-il accepter cette évolution qui concerne tous les aspects de la société: faits divers, politique, show-biz etc, et ne pas ruminer “c’était mieux avant !!”
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