Fortes chaleurs : les conséquences et les conseils pour un cycliste pendant le Tour de France
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Comment lutter contre la canicule ?
Pendant les 3 semaines de course sur ce Tour de France 2019 où je suis présent comme médecin de l’équipe Arkéa-Samsic je rédige chaque jour une chronique médicale, avec des thèmes variés mais qui concernent le terrain : la nutrition, les bobos du cycliste, le dopage, la santé, l’hygiène de vie, etc. Parfois le ton est caustique, mais c’est juste pour vous réveiller En quelque sorte je vous fais partager mon expérience, qui s’est construite au fil du temps grâce avant tout au coureur avec qui j’ai toujours engagé une relation de respect, d’écoute, pour un travail interactif ; une relation médicale est, comme toute relation, le résultat d’une rencontre où chacun vient vers l’autre. C’est le coureur qui m’appris l’essentiel de mon job 🙂
Donc aujourd’hui : comment lutter contre la canicule, quelles sont les conséquences d’une forte chaleur quand on fait du vélo …
Un chiffre d’abord : si un coureur perd 1% de son poids en eau, alors il perd 10% de puissance ; exemple un coureur pèse 68kg, il perd 2 litres d’eau pendant la course ; alors il disposera de 30% de puissance en moins sur le final … Tout juste énorme !!!
Sur ce Tour de France les températures vont approcher les 32-33° aujourd’hui, les 40° à partir de lundi
Le SEUL moyen qu’a trouvé l’organisme pour se rafraîchir : la transpiration !!! c’est l’évaporation de la sueur qui rafraîchit la peau et évite ainsi l’hyperthermie
MAIS … plus on transpire plus on perd de l’eau mais aussi … des minéraux, et même des métaux lourds …
J’ai fait analyser à plusieurs reprises la sueur de sportifs pendant l’effort ; pour avoir une idée précise de la composition de la sueur ; j’en ai « déduit » une composition de minéraux en poudre, que notre partenaire nutrition (Overstims) nous fabrique.
Les conséquences de la déshydratation : la perte de puissance ainsi que je l’ai déjà évoqué ; la déshydratation = l’organisme perd de l’eau et des minéraux et donc : le système de « refroidissement » (le « radiateur » du moteur !!) ne fait pas son travail, la température du corps augmente ; moins hydratés les muscles et les tendons souffrent ; le cerveau est également victime du manque d’eau : moins de lucidité, moins de réflexes ; dans les vaisseaux le sang est plus épais et circule moins, les muscles sont donc moins nourris pendant l’effort.
Alors, quels sont les conseils simples pour lutter contre les conséquences de la chaleur :
- Boire une boisson riche en minéraux pendant l’heure qui précède le départ: c’est “ma” boisson d’attente, qui contient également des maltodextrines
- Se protéger de la chaleur pendant l’heure qui précède le départ (ombre, casquette blanche, interviews à l’ombre, etc.) ; la clim est mise dans le bus.
- Pendant l’étape toutes les boissons glucidiques sont enrichies en minéraux ; en plus des boissons glucidiques le coureur consomme quelques bidons d’eau ; sur une grosse étape de montagne, la moyenne des bidons consommés par coureur peut atteindre 8-10 bidons glucidiques et 3-4 bidons d’eau (que le coureur utilise pour boire mais aussi pour s’arroser)
- Avant le départ, si besoin on lutte contre la chaleur en faisant porter aux coureurs un gilet réfrigérant
- Aux ravitaillements nos assistants proposent des bas remplis de glaçons, le coureur se met ça autour du cou.
- Pendant l’étape le cycliste va s’arroser (visage, cuisses) pour abaisser la température
- Dès l’arrivée on propose à nouveau les gilets réfrigérants
- Très vite après l’arrivée je propose aux gars de poser les pieds sur une poche de froid, ça stimule le retour veineux et ça lutte contre le “feu aux pieds” car pendant la course la température du bitume approche les 70°, les pieds sont à quelques centimètres , et avec les semelles en carbone ça chauffe …
- La réhydratation post étape est guidée par l’analyse de paramètres subjectifs (crampes ? maux de tête etc.) et de paramètres objectifs (pli cutané, analyse de la densité urinaire)
- Dans le bus la collation va privilégier des aliments frais: compote de fruits mélangés, salade de fruits de saison ou purée de fruit; en plus du classique carbohydrate type riz ou quinoa ou pommes de terre
- Tous les coureurs rejoignent l’hôtel en bus et pendant le trajet je mets en place une cryothérapie par Game-Ready (= pressothérapie + froid cuisses et mollets); mon expérience et celle de la plupart des coureurs me fait jeter un regard très critique sur la cryothérapie « corps entier »: les températures sont trop basses (-110°), ça sert à quoi de refroidir les bronches et le ventre d’un coureur (très souvent surviennent des troubles digestifs après ces séances de cryothérapie) ? Et surtout la logistique ne permet pas de concevoir cette lourde technique à l’arrivée; éventuellement sur le parking de l’hôtel mais il n’est pas utile de refroidir un muscle qui n’est plus chaud; à mon sens la cryothérapie n’est utile que très rapidement après l’arrivée, et uniquement pour les cuisses et les mollets; mais bon, dans les sports de contact et peut-être les sports co la cryothérapie corps entier présente peut-être un intérêt.
- Des boissons minéralisées sont proposées aux coureurs jusqu’au coucher
- Et le dîner commence par …. Un potage de légumes !!! OUI !!!, même s’il a fait très chaud ; le potage est un super aliment pour réhydrater ; consommé chaud, tiède ou froid.
- Mon conseil: “tes dernières urines de la journée doivent être claires comme de l’eau, sinon tu dois boire à nouveau avant de te coucher”; Autre conseil +++ : la nuit TOUJOURS avoir à portée de main de l’eau.
- Enfin, une douche fraîche avant le coucher va abaisser la température corporelle et ainsi optimiser l’endormissement puis la qualité du sommeil
Je ne peux pas conclure cet article sans évoquer que les fortes chaleurs ont des conséquences négatives sur la santé; qui imagine un jogger pratiquer sa passion sous 40° à 14h ??? Le foot par exemple a pris des dispositions (alors que les matchs se jouent le soir …): avec des arrês de jeu obligatoires s’il fait très chaud; peut-être qu’un jour le cyclisme décidera d’aménager les horaires et/ou la durée des étapes en cas de canicule (ou à l’inverse de températures très basses) ?? En tant que passionné du vélo, oui comme tous les spectateurs j’ai envie de voir du spectacle, oui je me doute que pour un organisateur de course il est compliqué de s’adapter, oui je sais que sur une course la sélection des gars se fait aussi en fonction de leur résistance à certains facteurs extérieurs, oui tout ça je le sais aussi bien que ceux qui souvent critiquent mon approche de la médecine du sport; juste je suis médecin et donc sensé m’intéresser à la santé des gars…
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